samedi 15 novembre 2008

Historiens à Libération : des journalistes d'un jour ?



Jeudi 9 Octobre, les historiens étaient à l'honneur à la rédaction de Libération pour la réalisation du Libé des Historiens. Parmi eux, Fabrice d'Almeida, Gilles Pécout et Isabelle Veyrat Masson. Trois historiens, trois visions et trois ressentis, pas toujours si éloignés les uns des autres, d'un même événement.


Didier Pourquery (cf Entretiens avec Didier Pourquery, directeur délégué de la rédaction) avait déjà expliqué auparavant que s'établissait un rapport de négociation entre les journalistes et les
historiens.
Il faut dire que pour les historiens, l'exercice n'est pas habituel. Se contenter d'une moyenne de 4000 signes par articles alors qu'ils ont l'habitude d'écrire plusieurs pages sur un seul sujet en
plusieurs jours, on ne peut que comprendre leur inconfort dans ce travail. D'où l'aide des journalistes, pour qui se genre de travail n'est qu'une formalité. Gilles Pécout dira que « le rapport au temps est différent » et donc que « l'urgence déculpabilise ». Isabelle Veyrat Masson quant à elle se prêtera même au jeu en faisant « une conclusion un peu journalistique ». Et elle avoue : « je ne l'aurai pas fait dans un article scientifique ». Les historiens joueraient-ils aux journalistes ? Même si cela aurait pu être le cas, ça ne l'est pas. Car les journalistes ont préservé leur rôle : correction, modification des textes, accroches, titres.. ils veillent sur tout ce qui fait le squelette d'un article journalistique. Ce qui valut de petits désaccords entre ces collaborateurs d'un jour. On comprend alors mieux ce rapport de négociation dont parlait le directeur délégué alors que Fabrice d'Almeida parlait quant à lui de « contraintes ».


Gilles Pécout et Fabrice d'Almeida




Celui-ci a un regard assez critique (et expérimenté) sur la collaboration entre historiens et journalistes. Cet invité récurrent d'Yves Calvi dans C dans l'air commence à connaître les rouages de la communications et des médias : « la collaboration peut être minimale
et sans grande complicité. Mais en participant souvent à certaines émissions, on crée une relation de complicité et de confiance ». Mais les relations avec les journalistes peuvent aussi être d'ordre plus conflictuel : « on peut parfois vouloir vous faire dire plus que vous ne le voulez ». Isabelle Veyrat-Masson ira plus loin : « On se sent trahi par la communication : elle resserre la pensée, la durcit, et finalement la trahit ». D'où ce besoin réciproque à Libération de
négociation entre les deux parties, signe d'un grand respect pour la profession et le travail de chacun. Isabelle Veyrat-Masson


Les Historiens participant à ce numéro du Libé ne gagnaient pas un sou en inscrivant leur nom en dessous de leur précieux article. Mais leur motivation était tout autre que pécuniaire. Car en inscrivant leur nom dans un quotidien national, ils s'assurent autant d'une possible notoriété publique que d'une reconnaissance académique. « L'Historien gagne en identité » dira Fabrice d'Almeida. Ainsi, il se voit plus facilement inséré dans des réseaux très fermés et très souvent sollicités par divers médias. Un cercle vertueux pour les uns, et vicieux pour les autres puisque, pour reprendre l'expression d'Isabelle Veyrat-Masson, « la notoriété engendre la notoriété » et de ce fait exclu tout ceux qui ne sont pas intégrés dans un réseaux. Mais une fois cette fameuse notoriété acquise, reste à savoir comment elle va être utilisé : pour la postérité ou pour faire passer ses idées ? Pour Gilles Pécout, pas de doute : participer au Libé des Historiens permet de « faire passer des idées auxquelles on croit », avant même de penser à une ouverture vers une éventuelle notoriété.


Même si leur motivations et leur appréhensions pouvaient être sensiblement différentes, tout ces historiens n'ont pas caché leur plaisir d'être les hôtes de Libération. Tandis que d'Almeida « conçoit cet exercice comme un amusement », Veyrat-Masson ressent quant à elle « une satisfaction narcissique » à participer à ce numéro.
Plaisir d'être connu, plaisir d'être reconnu et plaisir de partager ses expériences et ses connaissances, voilà peut-être comment résumer cette journée à Libération pour ces historiens.

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